By Renaud Beaufils on dimanche 15 novembre 2015
Category: Droit Social

Vers la fin du Régime légal

Vers la fin du Régime légal :
Régime de plus en plus inégalitaire
Régime de moins en moins adapté
Régime de moins en moins réaliste

"Certains assurés, on en connaît autour de nous, ont le sentiment de contribuer sans recevoir, quand d'autres recevraient sans contribuer" (François Hollande, Président de la république, maison de la Mutualité, 6 octobre 2015, à l’occasion du 70e anniversaire de la sécurité sociale).

- La dette publique de l'État (État + sécurité sociale) ne cesse d'augmenter : elle était de 1138,4 milliards d'euros, fin décembre 2005, de 1428 milliards en 2008, (donées Insee publiées par le journal « le Monde » le 1er octobre 2009), de 1 800 milliards d'euros en 2013, soit l'équivalent de plus de 93 % du PIB, (c'est-à-dire la richesse créée par le pays, en une année), pour dépasser, en 2016, les 2 200 milliards d'euros (et plus de 3 000 milliards en 2023!).

- Ce dernier chiffre (2 200 milliards), est cependant beaucoup plus important, puisque les engagements financiers de l'État, selon les éléments figurant, par exemple, dans le rapport de la Cour des Comptes, (celui rendu publique le 30 mai 2013, pour l’année 2012), s'élèverait à 3 090 milliards d'euros - dont 1679 milliards d'euros concernant les retraites des fonctionnaires - venant donc s'ajouter aux 1 800 milliards d'euros (de 2013).

- Exemple: chaque année, en moyenne, la SNCF reçoit plus de 12 milliards d'euros de subventions publiques, pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 30 milliards. La SNCF coûte ainsi, chaque année, l'équivalent de plus de 1 000 euros à tous les contribuables français soumis à l'impôt sur le revenu ! Malgré cela la SNCF a une dette globale de 44 milliards d'euros, soit 150 % de son chiffre d'affaires, et cette dette augmente d'un milliard et demi par an juste avec les intérêts. (cité par la revue "Que Choisir" Octobre 2015)

- Ainsi les régimes spéciaux, très coûteux pour la collectivité, comme la SNCF, constituent un environnement à part (EDF, GDF, RATP Banque de France, Opéra de Paris, Comédie-Française, Ports autonomes, fonction publique, militaire, territoriale, hospitalière etc.) et quasiment intouchable (voir réforme envisagée en 1995 et rapidement abandonnée à la suite de contestations et grèves syndicales)

Peut-on, pour ne parler que de la protection sociale, se contenter de continuer d'augmenter les cotisations et les prélèvements et parallèlement, de diminuer les prestations?

La complexité et l'opacité du système de protection sociale en France sont telles que la logique de solidarité sur laquelle elle s'articule, dissimule, finalement, un système devenu arbitraire:

- des cotisations - essentiellement supportées par les commerçants et les professions libérales

- et des subventions profitant essentiellement aux régimes spéciaux.

Aussi bien, l'option retenue par les lois des 14 mars et 29 mars 1941 pour une gestion de l'assurance vieillesse en répartition, et non plus en capitalisation, système de gestion confirmé par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, analysé par le Conseil constitutionnel comme impliquant "la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées", doit-elle être revue ou en totalité ou en partie.

La démographie, les conditions du travail, les temps ont changé

La sécurité sociale est donc devenue de plus en plus déficitaire, avec un déficit devenu abyssal, de plus en plus inadaptée, de plus en plus inégalitaire, avec de trop nombreux régimes spéciaux, avec de plus en plus de contentieux divers.

Sans être démenti, un parlementaire a pu faire observer que le montant de la dette cumulée de la sécurité sociale en 2014 était de 236 milliards d’euros (Dominique Tian, Assemblée nationale, 1ère séance du mercredi 4 février 2015), tandis que le budget des prestations sociales (= dépenses prévues) contenues dans le PLFSS 2015 (projet de loi de finances sur la sécurité sociale) s’établit à 476,6 milliards d’euros.

Ce dernier chiffre mérite d’être rapproché du budget de l’État qui se trouve être inférieur d’un montant de 100 milliards d’euros environ (cité par le Huffington Post, avec le journal « Le Monde » 13 novembre 2015).

La sécurité sociale est de plus en plus déficitaire et les chiffres parlent d'eux-mêmes

On est donc amené à considérer que les conditions de financement du régime obligatoire de la Sécurité sociale - assurées plus spécialement par des cotisations obligatoires (= l'obligation d'affiliation, 64 % en 2012) - ne permettent plus d'assurer son équilibre financier:

- maintien de trop nombreux régimes spéciaux,
- accroissement, quasi exponentiel du déséquilibre financier
du régime de sécurité sociale,
- apports importants constitués par des prélèvements qualifiés, jadis, d'exceptionnels (CSG, puis CRDS),
- prêts de la CADES,
- etc

Enfin, une dernière observation : tous les régimes d’assurances de base et complémentaires obligatoires sont gérés par des représentants désignés par les organisations syndicales représentatives des salariés (représentants eux-mêmes un peu moins de 8 % des-dits salariés) et employeurs.

Bref, une minorité « représentative » gère, sans contrôle, un budget supérieur à celui de l’État français.

Un changement s’impose pour retrouver un régime un peu moins inégalitaire, un peu moins déficitaire, bref, un peu plus réaliste et adapté à notre temps.

Bref, à quand, donc, le changement ?


Renaud BEAUFILS
Avocat à la Cour d'Appel de Paris
Spécialiste en droit social et en droit immobilier